LE TRACFIN et l’immobilier

LE TRACFIN 

Le Pouvoir public a une politique de lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme. Pour perpétuer cette lutte, le législateur impose aux professionnels de l’immobilier de porter une vigilance sur certaines opérations (Article 3 de la loi Hoguet) et de faire remonter tout soupçon sur la plateforme ERMES comme le préconise les lignes directives TRACFIN. Ces lignes directrices doivent servir à amplifier la mobilisation des professionnels, aux côtés des pouvoirs publics. Une telle implication et un tel travail partenarial sont essentiels dans un secteur d’activité qui constitue un vecteur privilégié de blanchiment.   

Si le législateur insiste là-dessus également dans le code de déontologie, c’est parce que la prise de conscience de la profession est insuffisante, et cette situation est préoccupante car elle témoigne de la mobilisation très insuffisante des professionnels dans la mise en œuvre de cette obligation et ne permet pas à Tracfin de disposer de l’ensemble des informations nécessaires à sa mission.  

Et pourtant le secteur de l’immobilier, particulièrement dynamique ces dernières années, constitue un vecteur privilégié pour réintégrer, dans les circuits de financement de l’économie, le produit
d’escroqueries et d’activités criminelles, par l’achat d’un bien immobilier.  Les activités d’acquisitions et de ventes immobilières en France sont exposées à une menace élevée en matière de blanchiment de capitaux du fait du dynamisme du secteur, de l’importance des montants financiers  La lutte contre ce phénomène nécessite une vigilance constante des professionnels

I Présentation du TRACFIN 

Les lignes directives expliquent les textes en vigueur. Elles ont pour objectif d’éclairer les modalités de mise en œuvre des obligations de vigilance et de les déclarer. 

Ces directives sont soumises aux professionnels pour mener la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme. En effet, le blanchiment des capitaux et le terrorisme passent par l’achat ou la location de biens immobiliers. D’ailleurs, des liens entre ceux deux univers ont été démontrés. Par exemple, une attaque terroriste sur le sol européen coûtent moins de 10 000€. Cette somme permet l’achat d’armes et la location de biens mobiliers et immobiliers. Enfin, l’implication des professionnels de l’immobilier dans cette lutte résulte du fait que le pouvoir public souhaite lutter contre le détournement de capitaux et leurs placements dans les paradis fiscaux. 

 

II Les obligations des professionnels 

Les agences immobilières ont l’obligation de porter une vigilance particulière lors de certaines opérations. Elles doivent mettre en place des mesures de vigilance. Cela conduit à ce qu’elles déterminent en amont les critères d’alertes soulevant des soupçons. Et, elles créeront des fiches d’évaluation de risques sur l’opération en question.  

Les agences ont donc l’obligation de se doter d’outils permettant l’évaluation et la gestion des risques. A défaut de quoi il y a des sanctions qui sont mises en place notamment l’interdiction temporaire d’exercer voire définitive et des amendes financières. 

Pour vous donner quelques exemples en 2020 une agence du Calvados avait été condamné à une interdiction temporaire d’exercer car il n’avait pas demandé la carte d’identité du client et l’agence n’avait pas formé et informé son personnel concernant cette évaluation des risques 

 Les professionnels de l’immobilier seront obligés de déclarer les soupçons sur la plateforme ERMES dès lors qu’elles ne sont pas levées. 

III  Le rôle de la DGCCRF 

La Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est une institution publique rattachée au Ministère de l’économie. Sa mission est de protéger les consommateurs et pour cela, elle effectue des études sur certains biens de consommation. De plus, elle sanctionne les fraudes ou abus. 

Dans le cadre du TRACFIN, cette administration publique va contrôler les professionnels. Elle évalue si les agences immobilières respectent leurs obligations vis-à-vis du TRACFIN. Lorsque l’autorité publique contrôle les professionnels, ces derniers doivent être en mesure de justifier des mesures prises par rapport à leurs obligations. Enfin, elle peut sanctionner un abus ou le non-respect d’une obligation professionnelle par ses avertissements, ses injonctions et ses amendes. 

2021 était déjà une année aux résultats d’activité exceptionnels avec
plus de 165000 informations adressées à TRACFIN  soit + 43 % d’augmentation en une année

dont 160 952 déclarations de soupcon.

suite à cela ont été menés 70 270 actes d’investigations

Cette activité croissante est le fruit de la vigilance
constante de l’ensemble des professionnels assujettis.

Dans l’immobilier, les critères à prendre en compte pour évaluer le risque sont les suivants:

IV Exemples de critères d’alerte :

Les risques d’injection de fonds illicites existent à toutes les étapes de
la vie d’un projet immobilier :

  • avant la construction d’un bien immobilier: lors du dépôt du permis
    de construire ou de l’attribution de marchés publics immobiliers
    (versement d’espèces à un agent public corrompu, par exemple)

 

  • lors de la phase de construction immobilière : injection d’espèces issues d’activités illicites (trafic de stupéfiants, escroquerie,
    fraude fiscale, etc.) pour le paiement de matières premières ou la rémunération de travailleurs non déclarés sur des chantiers ;

 

  •  lors de transactions ou locations immobilières : dessous de table immobiliers, montages complexes visant à intégrer des fonds transitant par des juridictions facilitant la dissimulation de l’origine des fonds et l’identité des bénéficiaires effectifs des acquéreurs de biens immobiliers en France, paiement de loyers en espèces, etc. ;

 

  • ou encore lors de l’obtention d’un prêt immobilier : facilitation de l’octroi d’un prêt par un agent de banque modifiant favorablement le dossier de l’emprunteur

 

Certains critères, non-exhaustifs, peuvent participer à étayer l’analyse d’un soupçon :

  • secteur de l’immobilier de prestige dans des zones géographiques exposées du territoire (Île-de-France, Côte d’Azur notamment) ;
  • secteur de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) ;
  • recours à des montages financiers internationaux faisant intervenir des sociétés immatriculées dans des pays à risque en matière
    de BC/FT ;
  • incohérence entre la surface financière du client et le montant du prêt obtenu ou le montant de l’investissement effectué ;
  • présence d’une personne politiquement exposée (PPE) dans un montage visant à dissimuler son identité.

Conclusion :

Dans un contexte marqué par la pandémie mondiale, après deux ans
et demi de travail acharné, la France s’est finalement classée au premier rang des pays luttant efficacement contre la criminalité financière
d’après une évaluation menée par le Groupe d’Action Financière, créé
par le même G7 qui a vu la naissance de TRACFIN en 1990. Cette évaluation, rendue publique en mai 2022, conforte la place centrale et essentielle de TRACFIN dans notre dispositif national